Ce journal veut être un instrument pour analyser mes ressentis, mes rages, mes colères, mes tristesses aussi devant cette maladie qui instrumentalise celui qui en est porteur.
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vendredi 12 octobre 2007
Mots
L'automne est là; les feuilles prennent d'autres colorations et à ma grande surprise de nouvelles fleurs sont là écloses ou à éclore. Signe que même à l'automne de sa vie, des éclosions, des floraisons et des fécondations restent possibles.
Il y a quelques jours, en pensant à cette maladie: le cancer, je me disais que les mots savants qui la désignent sont des mots que je n'aime pas que ce soit sarcome (cancer des tissus conjonctifs), carcinome (nom générique du cancer que j'ai fabriqué) lymphome, mélanome et autre. Est ce le son "ome"? Je crois que c'est plutôt l'association des syllabes. Ces mots en tant que tels ont une sorte de pesanteur que je n'ai jamais aimée. Quant au mot "tumeur-tu meurs" n'en parlons pas. C'est peut-être pour cela que le mot de "nodule" me convenait beaucoup mieux.
Je reprends une vie normale. Simplement tout petit plus provoque de la fatigue. J'en viens à me demander si je n'en rajoute pas. Est-ce l'âge (donc la vieillesse), la suite du traitement de cet été? Ce qui reste certain c'est que tout ce qui sort de la vie habituelle provoque (enfin pas toujours) une sensation de fatigue qui pèse brusquement dans mon corps. Quand elle s'abat, je n'ai plus de jambes, je n'ai qu'une envie: m'asseoir ou mieux m'allonger et attendre que ça passe. Ce qui est nouveau, c'est que ça passe relativement vite et cette reprise de ce que j'appelle dans mon jargon "la pulsion de vie" est un rayon de soleil, un espoir: c'est comme ça, mais cela devient de moins en moins invalidant.
J'avais lu, mais je n'arrive pas à retrouver le texte original, que lors qu'on apprend que l'on est atteint par cette maladie, la question du pourquoi, d'une origine se pose. On a besoin de savoir ce qui a provoqué ça. La réaction d'un de mes enfants me disant, mais tu ne fumes pas, tu ne bois pas et tu fais du sport, alors ça n'aurait pas du t'arriver, montre bien que quelque part la question du pourquoi se pose.
L'auteur de l'article pense que lorsque le traitement a (bien) fonctionné, on rentre dans la guérison (terme que je n'aime pas, car je lui préfère et de loin celui de rémission, la vie reprend son cours là où on l'avait laissée (ce dont je ne suis pas sûre du tout car il y a un avant, un pendant et un après -surtout quand il y a un autre traitement et des examens fréquents). La question du pourquoi passe aux oubliettes.
Si pour moi, la question du "pour quoi" est relativement claire, celle du pourquoi reste quand même présente. Et je me porte en faux contre cette affirmation d'un absence de questionnement. Pourquoi à un moment donné de sa vie, des cellules qui jusque là étaient détruites ne le sont plus? Qu'est ce qui provoque cette invasion, car c'est bien une invasion voire une colonisation de l'intérieur, qui se fait?
Peut-on dire que certains événements peuvent favoriser cette chute de la défense normale? Pour ma part et compte tenu de la formation universitaire que j'ai reçue , j'aurais tendance à répondre par l'affirmative, tout en sachant qu'il n'y a jamais une cause unique, mais des nombreux possibles.L'être humain est un tout et le réduire à une horloge biologique ne me séduit pas.
En fait je viens d'apprendre le décès d'une personne qui vient de faire une récidive que l'on pourrait appeler foudroyante d'un cancer du sein. C'est quelqu'un de plus jeune que moi, dont en fait je ne sais rien. je sais qu'elle avait mal au dos, que les examens ont révélé des métastases dans le bassin et que les poumons ont été envahis quelques jours après en nécessitant une assistance respiratoire. Elle est "partie" alors que personne ne s'y attendait.La brutalité de ce décès pose question: que s'est il passé pour que l'on passe d'une victoire à une défaite? Est ce que quelque chose a lâché? Et pourquoi à ce moment là? Cela reste pour moi un questionnement.
Je reste assez marquée par l'histoire de la maman d'un garçon qui était porteur d'une fente labiale (bec de lièvre) et division palatine (les deux parties du palais ne sont pas soudées).La première fois que je l'ai rencontrée, elle était catastrophée. Sa demande: dites moi que mon fils n'est pas débile. Il avait 4 ou 5 ans et était à la maternelle. J'ai pu après un bilan psychologique la rassurer un peu et au fil des interventions réparatrices de son fils, une amitié s'est nouée entre nous.
Il faut dire que ce type de pathologies, du moins dans les années 80, nécessitait un nombre très elevé d'interventions et ce jusqu'à parfois l'âge de 20 ans.
Quand son fils est entré au collège, elle a eu un cancer du sein, et ce cancer l'a complètement transformée. Elle s'est mise à écrire, à être autre. Il faut dire que la malformation de son fils l'avait anéantie et qu'elle n'avait pas pu s'occuper réellement de lui avant que la lèvre ne soit réparée. Le cancer lui a permis de sortir d'une relation fusionnelle (tout à fait normale) et de reprendre une vie centrée sur ce qu'elle avait à vivre et de vivre un véritable transformation.
Je l'ai revue tous les ans, car la chirurgie plastique était encore nécessaire pour son fils.
Il y a eu récidive. Elle est morte le jour des 18 ans de son fils, et je ne crois pas que ce soit le fruit du hasard.
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1 commentaire:
L'aubade,
Cette mélodie donnée à l'heure ou le jour point me semble faire écho à la question de la rémission.
Elle se veut annonciatrice d'espoir sans pour autant vouloir envisager encore la nécessité de renoncer.
Partagée, elle s'épanouit en duo ; délaissée, elle encourage à poursuivre.
la question de la guérison ou de la rémission du cancer est semblable.
Soit l'on pense rémission et il peut être fait alliance avec lui ; ainsi la peur y trouve moins souvent place.
Soit l'on pense guérison et dès lors le cancer n'est plus ici mais trop vite ailleurs.
Quand l'espoir n'a plus de voie(x)
pour agir ; celle, humaine, de l'émotion crie à l'injustice.
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