Depuis le milieu de la semaine dernière, le "rituel" de la séance est bien codifié, bien mis en place, et cela simplifie un peu les choses.
Il y a (ou pas) l'attente, mais j'ai "mon livre" qui est un livre de contes faciles à lire, ma musique, et le temps est un peu apprivoisé donc moins problématique pour moi.
Ensuite, il y a l'appel de mon nom, le temps d'attente dans la cabine (enlever le soutien-gorge et remettre un vêtement pour le haut du corps car il faut passer devant des techniciennes pour arriver dans la salle de radiothérapie) et attendre un petit peu que la patiente précédente sorte de la salle. Quand la machine "tourne" il y des petites lumières qui passent sur un des murs qui est en face de la cabine. Puis nouvel appel et direction la salle de radiothérapie. Là, j'enlève mon sweet, je le mets sur le crochet, je me dirige vers la table, je monte les deux marches, je m'allonge et j'attends presque rien.
Vient alors le temps de l'installation. Bras au dessus de la tête posés dans une sorte de gouttière, en général descendre un peu le coussin de mousse qui est d'abord sous les genoux pour le mettre sous les mollets. Descendre enuite les fesses, puis c'est le centrage, avec les mots: axe à tant (de centimères) racine à tant de centimètres, etc.Il faut à la fois déplacer la table et le source des rayons. Puis une fois que le générateur de rayons est en place pour le côté interne du sein, les techniciennes s'en vont avec la phrase rituelle elle aussi:" à tout de suite".
Un petit temps mort et la machine se met en route, bruit pas désagréable. Moi, je me mets aussi en route: parfois je pare les rayons parfois j'utilise comme une pluie de mots: hydrater, cicatriser, arroser, pour contrer les effets nocifs, parfois... Mais je n'ai pas fini d'inventer des parades.
Le bruit s'arrête, mais il faut un certain temps pour que la machine revienne au repos complet. Les techniciennes reviennent, recentrent la machine sur l'autre côté (qui est le côté de la tumeur initiale) , puis la phrase "à tout de suite" et ça recommence, sauf que de ce côté là ce n'est pas tout à fait pareil pour moi dans mes représentations. Aujourd'hui, je n'ai pas "paré" les rayons, mais j'ai imaginé un bouclier qui enveloppait mon sein et que ne laissait passer que quelques rayons pour détruire les hypothétiques cellules malignes. A nouveau le bruit s'arrête, et je peux baisser les bras. Ensuite attendreque la table soit abaissée et face à l'escabeau.
Puis descente pour retrouver le sol! Je n'aime pas quand on veut m'aider à descendre, comme si j'étais une vieille dame, mais c'est sûr que pour ces jeunes hommes et femmes en pleine santé qui s'occupent de moi, je suis une vieille dame. Et puis il y a des patientes qui ont besoin d'aide. Ce que je sais aussi c'est que je n'aime pas quand c'est un homme qui manipule mon sein pour les réglages. Peut-être un peu difficile à expliquer, mais mon sein n'est pas un "objet "que n'importe qui peut toucher.
Retour à la cabine, réagrafage du soutien gorge, le sweet, le sac à main et dehors. Mon mari est là qui m'attend et nous repartons.Je dois dire que le fait de ne pas être seule est très important.
Voilà pour le rituel.
Maintenant, une nuit, pendant une petite insomnie, je me suis surprise à penser: "quand j'étais jeune". En général je dis: "quand j'étais une petite fille" et cela est fréquent quand je suis avec ma petite fille, mais là c'était autre chose, comme si cette maladie m'avait fait, à mon corps défendant basculer dans la non jeunesse à défaut de la vieillesse.L'an passé, je me suis cassé le poignet aux sports d'hiver, mais je n'ai pas vécu cela comme une atteinte de mon image, même si un os qui se casse, ça montre qu'on est fragile, vulnérable.Se casser à ski un os du poignet et redescendre avec la fracture de 2400 mètres à 1800 mètres skis aux pieds, cela est quand même très positif, même si la suite a été difficile. L'expérience du cancer est donc pour moi d'un tout autre ordre.
Il y a bien comme le disait un frère bénédictin un autre temps qui se met en route quand on a cette pathologie en soi.Le temps se décline autrement, il prend un autre sens, et s'y adapter n'est pas simple.
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