Catherine Lestang
Pourquoi ce journal?
Parce que le blog est un moyen facile et qu'il me permettra d'évacuer des doutes, des révoltes des colères envers ce monde médical que je connais si bien.
J'ai fait partie des soignants, je pouvais lire les dossiers, poser des questions, SAVOIR et transmettre aussi ce que j'apprenais et comprenais à ceux qui étaient hospitalisés dans cet hôpital d'enfants où j'ai passé 20 ans. Et là, je bascule dans le monde des PATIENTS. Certes on me soigne je suis soignée, mais Je subis, et si je veux comprendre, ou juste savoir ce qu'on met dans une perfusion, dans ma perfusion, il faut demander, poser des questions. Les réponses ne viennent pas toutes seules. Or je ne veux pas être un objet. Je veux être sujet. Je veux que l'on me demande ce que je veux et en particulier si je veux être guérie.
Souvent dans l'évangile quand Jésus rencontre une personne malade, alors qu'il sait très bien ce qu'on attend de lui, il pose une question: que veux tu que je fasse pour toi. or cette question jusqu'à auourd'hui je ne l'ai pas entendue. Peut-être est elle implicite, mais l'humain que je suis ne fonctionne pas à l'implicite. L'implcite c'est "je sais ce qui est bon pour toi et je le fais". Et il infantilise. Et de cela ne je veux pas.
J'en reviens à ma petite histoire, au début de ce journal qui aura je l'espère une valeur thérapeutique pour moi, car après tout, mon métier, c'est les mots, c'est un sens. je ne dis pas le sens, mais un sens à un moment donné.C'est e faire des liens, or actuellement entre les différents intervenants qui ont pris soin de moi, il n'y a pas de ligne directrice. Implicitement il y a les directives de la santé: vous entrez dans un réseau m'a t on dit, oui et après? Quelle est ma place dans ce réseau? Si je me remémore mes études de cristallographie,quelle cellule suis-je dans ce réseau? Alors la cellule que je suis et qui peut parler, va se mettre à raconter.
Il y a eu un examen de routine des seins le 26 mars. Apparemment c'est bon, mais à l'échographie (merci au radiologue qui prend l'initiative) il y a une tache bizarre, petite, irrégulière.7mm, c'est quand même tout petit! Des tâches comme cela, un peu bourgeonnantes, jadis j'en ai vu sur les radios des enfants porteurs d'ostéosarcomes. Mais de là à faire le lien, le déni fonctionnant, je me refuse à croire que ce peut être malin.J'attends les résultats de l'IRM. Mais là, il faut attendre presque 3 semaines.
Je dois dire que j'ai detesté cet examen. Il y a du bruit, ça vibre sans cesse, ça s'arrête. Tombe alors le commentaire du radiologue: il y a un contraste. En terme non technique, cela veut dire que ce n'est pas bon et qu'il faut faire une biopsie.
Les rendez vous sont pris, seulement le delai qu'on me donne pour l'interprétation de la biopsie est trop long. Je sais qu'à l'institut Gustave Roussy, on peut avoir tous les résultats dans la journée. Je me bats avec le téléphone pour joindre l'IGR, mais en vain.
La nuit portant conseil j'appelle un hôpital privé que je connais bien. Un professeur vient chez eux une fois par semaine et les résultats sont donnés tout de suite.
Entre temps j'esaye de voir ma généraliste, car je voudrai avoir des bilans sanguins, ceux que je fais tous les ans à cette époque de l'année. J'entends un refus motivé par la phrase superbe: si c'est cancéreux, vous allez être "bilantée". Bilantée... C'est un mot que je connais bien, mais qui fait de l'indivisu un objet totalement passif.Je voudrai aussi savoir si je dois interrompre le tratement hormonal que je prends depuis 20 ans. La réponse est de m'adresser à ma gynécologue. Impression d'être une papate brûlante que l'on refile à un autre. Je suis peut-être trèe négative vis à vis de ce médecin mais ce que gronde en moi c'est de la colère. C'est quoi ce terme de "bilanter"? Moi, quand je reçois une enfant en difficulté je propose un bilan, pas de le bilanter. Dans cette relation, nous serons deux, l'un en face de l'autre, avec du respect. Je hais certains termes médicaux. Je sais juste que si la biopsie est positive c'est ma généraliste qui fera la demande du 100%. Bon et après... Bref je la quitte très en colère.
La biopsie est faite par un professeur compétent, qui explique bien ses gestes. Il a une phrase "jolie": il y a des cellules proliférantes. Bon, cela je sais ce que ça veut dire. Ne pas prononcer le mot de cancer. Un complément de biopsie est fait. je dois l'appeler pour le compte rendu le lendemain.
Un rendez vous est pris dès le lendemain avec le chirurgien. Les choses vont donc assez vite et d'une certaine manière je me sens active, donc vivante. Le chirurgien lui, appelle un cancer un cancer. La date opératoire est prise. Les choses se mettent en place.
Je passe l'après midi à essayer de joindre le professeur: impossible. J'apprends juste que les résultats ne me seront pas communiqués, mais seulement à mon médecin traitant. Là encore se pose la question: qui suis-je? Pourquoi ce "secrêt", A nouveau colère. Le lendemain j'apprends que c'est un grade I, donc un bon pronostic (ce que le chirurgien avait déjà dit), mais quant à la communication des résultats, malgré un "vous c'est différent puisque vous avez travaillé en milieu hospitalier", je ne les aurais pas.
Il me reste une grande semaine avant l'hospitalisation. Un repérage doit être fait, mais je ne sais pas ce que c'est.
Durant cette semaine, se pose quand même la question du pourquoi de cette atteinte.
Bien sûr, il y des hypothèses sur une cause possible (j'ai quand même appris que même si c'est d'origine génétique ou autre, ça ne se déclenche pas comme ça: il y a eu un traumatisme que le psychique n'a pas pu traité et qui a passé à travers toutes les défenses pour s'inscrire dans le corps. J'ai une hypothèse là dessus, sauf que j'avais eu l'impression d'avoir fait ce qu'il fallait pour bloquer les processus. Bon renoncer à une certaine puissance de la pensée et du savoir c'est une expérience nécessaire, même si elle est douloureuse. Après tout Freud est bien mort d'un cancer de la gorge, ce qui pour un parleur comme lui, n'est pas rien. Mais rentrer dans cette maladie dite à potentiel léthal, ce n'est pas rien car même s'il y a rémission, elle ne se laisse pas oublier. Essayer de vivre cela comme un chemin, un chemin creux, un chemin de creux. Oserai-je dire un chemin de croix?
Comme le printemps est là, je vais clore ce premier billet par une photo de seringa, fleur qui j'aime.
2 commentaires:
c'est jacqueline de saint vincent
En parlant de toi avec ma collègue , je suis partie sur internet et suis tombée sur toi !
quel plaisir !
Que je suis contente de te lire. je t'embrasse.
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