Ce journal veut être un instrument pour analyser mes ressentis, mes rages, mes colères, mes tristesses aussi devant cette maladie qui instrumentalise celui qui en est porteur.
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mercredi 1 avril 2009
Heureuse et perplexe.
Depuis le dernier billet, Il y a eu d'autres vacances aux Arcs, il y a eu le plaisir de skier mieux, de regarder autrement la piste, je veux dire d'avoir un regard autre sur le dessin de la piste, avec l'impression que ce changement de regard, cette sorte d'ouverture avait une incidence sur ma manière d'être. Peut-être moins s'occuper des détails pour avoir une vue plus globale. Ce qui est certaine c'est que regarder largement devant est pour moi source de joie.
Il y a eu les examens: prise de sang et échographie.La prise de sang est bonne sauf pour les hématies et les leucocytes: un peu faiblard, mais comme je ne me sens pas vraiment fatiguée, pas un problème. Juste un peu déçue, comme si je m'attendais à ce que les séjours à la montagne fassent des miracles.
L'échographie pelvienne, qui est quand même un examen assez long, qui mobilise deux personnes différentes: une gentille technicienne et ensuite le médecin échographiste, je ne le vis pas bien. La sonde m'a fait mal et un certain silence aussi. J'aimerai tant comprendre ce que l'on voit. Cet examen, qui se passe dans une salle un peu sombre, je le vis toujours aussi mal, comme s'il réactivait le vécu des rayons et aussi la mise en place de cet sorte de hameçon qui a été posé la veille de l'intervention chirurgicale. Les souvenirs cela reste bien vivace.
Je veux dire aussi que les temps d'attente, la solitude dans la pièce, et cette sensation d'être un "corps" sont difficiles à vivre pour moi. A cela s'ajoute le peu d'informations que j'ai pu glaner, et je dois reconnaître qu'une compte rendu d'échographie, cela reste difficile à interpréter pour moi. Je sais que le polype a un peu augmenté, mais un peu qu'est ce que cela veut dire?
Il y a la vie de tous les jours et l'impression de vivre avec deux seins radicalement différents; Un sein "normal" vivant qui se laisse oublier, je dirais qui est parfaitement intégré dans mon schéma corporel et l'autre le gauche qui a des sensations étonnantes, brûlures, petites douleurs, poids. Normalement je devrais penser que s'il y a des sensations c'est qu'il est vivant. Or plus le temps passe, et plus pour moi ce sein a été comme stérilisé par les rayons, et je le vis comme un sein mort.
Ceci veut dire aussi qu'il n'y a pas une journée où ces sensations qui sont intenses au moment du coucher, où je puisse oublier que j'ai eu un cancer du sein, et que la mort est là, même si je vais bien.
Il y a une phrase de l'Evangile de Jean qui m'est revenue d'un coup: Jn 7, 37: "Qu'il vienne a moi celui qui a soif et des fleuves d'eau vive se déverseront de son sein"; Certaines traductions remplacent sein par coeur, mais pour moi, c'est bien le mot sein qui joue.
Curieusement je suis de plus en plus amenée à centrer la relation d'aide sur une écoute plus spirituelle, et mon sein stérile (parce que je le vus réellement comme cela) peut-il devenir source d'eau vive (pas la mienne bien entendu, mais celle de la source qui est en moi) pour d'autres? Mystère de la mort et de la vie, ou de la vie et de la mort.
Mais cela malgré le printemps qui revient, rappelle que le corps est appelé à disparaître.
Hier j'avais rendez vous avec mon oncologue; Il semble avoir été surpris par le fait que j'étais souriante. Il est vrai que je vais bien, mais j'ai une certaine peur de ces rendez vous.
Alors la bonne nouvelle, c'est l'arrêt du tamoxifène, car compte tenu de la croissance du polype, le bilan final risque d'être plus négatif que positif. Là je dois dire que je l'aurais bien embrassé. Hier j'étais sur un petit nuage, envie presque de boire du champagne pour célébrer la fin du traitement;
Et puis après, une certaine peur, une certaine perplexité. Cette hormone, certes elle a des effets secondaires, mais pour moi elle a toujours été la gage d'une non récidive, en tous les cas au niveau de l'autre sein, celui qui est pour moi est bien vivant. Est ce que 18 mois auront été suffisants?
D'où cette sorte de perplexité qui est la mienne. A la fois du contentement, et une petite inquiétude, car le cancer ça tue.
Pourquoi cette image du désert de sable? Je ne sais pas, peut-être à cause des couleurs de l'ocre, peut-être à cause du mouvement du sable, peut-être à cause de l'aridité de ce lieu, qui doit être traversé pour mener à la vie.
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