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dimanche 24 juin 2012

"Le deuxième cristallin".

Dimanche 17 Juin.
J-1
Je commence ce billet aujourd'hui, mais il aura des suites, puisque l'intervention est pour demain.

Les gouttes antibiotiques, je ne les aime pas du tout, elle me font pleurer, elles brûlent un peu. Bon, il faut le faire...

Je dois être à la clinique à 14h15 donc encore plus tard qu'au mois d'avril. Si le timing reste identique, je pense être opérée vers 15h30, remonter vers 16h et ensuite ce sera la longue attente. Du coup je pourrais prendre du café jusqu'à 9h30, peut être aller à la messe, me laver à la bétadine (ça c'est beurk, surtout pour les cheveux) à la place du repas que je ne prendrais pas... Bon pas trop de prévisions, la spontanéité ça a aussi du bon. Je ferai demain comme je sens.

Mon problème à l'heure actuelle, ne se situe pas du tout au niveau de l'intervention, car cela a été une réussite, mais des suites, car si l'oeil opéré voit bien, il me gêne, il me fait mal par moment et parfois la convergence des deux yeux est mauvaise: je vois double: une image bien blanche  (oeil gauche) et une image bien jaune (oeil droit). Si je regarde une surface blanche une partie est blanche, l'autre est jaunâtre. Tout cela aura certainement une solution, mais les personnes qui vous disent, moi j'ai été opéré et ce n'est rien, et bien j'ai envie de leur taper dessus.

Donc à suivre.

Le jour J.

Arrivée à la clinique au sous sol pour payer. Une bonne surprise la chambre seule est directement prise en charge par la mutuelle. Puis je monte au 4°. Là accueil par une infirmière (qui a l'air seule pour tout le service) et qui se rend compte que la chambre n'est pas disponible.Donc attente dans le couloir, mais ce coup ci j'ai pensé à prendre mon Ipodtouch et je me délecte (sans rire) avec la déclamation de l'épitre aux Galates et  de ses subjonctifs...Etonnant ce style. Ceci dit cela ne sonne pas si mal. Puis installation dans la chambre, transformation en future opérée, (linge bleu marine intissé). Une petite attente, puis l'infirmière vient poser le cathlon (cette fois, il est posé beaucoup plus haut donc ne me gêne pas et surtout tout se passe bien). Ensuite elle s'occupe de l'oeil: pose d'une goutte qui brûle, d'une petite pastille dans le cul de sac oculaire. Un peu d'attente, et elle revient pour mettre de la bétadine et laver. Ensuite je reprends mon écoute et j'ai eu le temps d'écouter les 5 chapitres.

Descente au bloc, une attente (pas désagréable) en salle de réveil (beaucoup plus agréable que le couloir) , puis un couloir. L'anesthésiste, (il a barbe courte très blanche), met une première goutte qui brûle. Je lui explique que j'ai mal réagi au fentanyl la fois précédente. Il me dit que lui donne une molécule plus récente pour éviter les effets secondaires et qu'il rajoute sa propre cuisine. Il revient au moins deux fois remettre des gouttes, puis il fait un lavage copieux à la bétadine et un rinçage non moins copieux. Il m'emmène au bloc et là fait son injection. Contrairement à la première fois je ne sens rien, je veux dire que je ne sens pas le produit qui coule dans la veine.

Le chirurgien me demande de changer légèrement de position, enlève l'oreiller, le remplace par un anneau et hardi petit, cela commence. Aucune idée de la durée. Je sens à peine la pose de coquille sur l'oeil. Et me voilà en salle de réveil mais complètement ailleurs. Je sens à peine les prises de tension et le temps ne me parait pas long. D'ailleurs cette fois ci je n'ai pas d'horloge en face de moi.

Quand je remonte, Philippe vient de revenir aussi. Je suis toujours aussi "ensuquée" comme on dit dans le midi. L'infirmière vient prendre ma tension, me dit qu'on m'apportera une collation. Je demande si je pourrais ensuite m'habiller, ce à quoi elle répond affirmativement. La collation arrive, j'ai pu avoir du chocolat et non du café, ce que j'ai trouvé appréciable. Le comprimé est mis avec la collation. Là aussi c'est mieux.

Puis une petite attente. La sortie arrive. Il est 18h. Une goutte, des papiers à signer et retour à la maison. Toujours à côté de mes pompes. L'énervement commence un peu à se manifester.

Maison, là trop rien à dire sauf que je ne sais pas quoi faire de moi. Donc coucher tôt, avec carrément un somnifère. Donc une bonne nuit l'un dans l'autre.

J+1
Comme je l'ai dit une bonne nuit et un café au lit, cela c'est vraiment chouette. L'oeil lui pas grand chose. Il ne voit plus jaune, mais il voit très trouble. Je trouve dans la paupière inférieure la pastille posée hier par l'infirmière. Bizarre. Je l'enlève donc. Je lave un peu ce que je ressens comme des trucs genre  "bonhomme de sable", mets la première goutte qui dilate la pupille, la seconde sera mise un quart d'heure plus tard. Et vogue la galère en attendant le rendez vous à 14h15. Il me semble que la dernière fois, l'oeil opéré voyait mal, trouble. Donc attendre...

Visite chez l'ophtalmo, toujours aussi mutique. Il a pris la tension ce qu'il n'avait pas fait: 18, un peu élevée mais normale. Que je vois mal c'est lié à l'oedème, mais là encore faut lui arracher les mots de la bouche. Prochaine visite vendredi. Il y a un superbe fleuriste en bas du cabinet, alors je me suis fait plaisir:des pivoines et une petite plante pour le jardin, là où il y a des trous dans la haie. Cela mettra de la couleur.

J+2.
La vision de près s'est énormément améliorée, plus besoin de lunettes.Pour la vision de loin ce n'est pas encore ça, et il me semble que chaque oeil voit le blanc d'une manière un peu différente, mais le jaune a complètement disparu. C'est la luminosité qui est très douloureuse. Sinon il faut que je n'oublie pas les gouttes, cela fait quand même 6 instillations par jour. J'ai même été dans le jardin aujourd'hui, profiter à la fois du soleil et de l'humidité de la terre pour enlever les mauvaises herbes et aussi pour éclaircir certaines zones. Bilan positif pour aujourd'hui.

J+ 4 Visite chez l'ophtalmo. La vision est à 7/10 du côté opéré. La tension est redescendue à 13. J'ai appris que la vision du premier oeil est de 9/10. Pour les gouttes, c'est comme l'autre fois, c'est à dire plus rien pour dilater la pupille (tant mieux car la luminosité me fait mal) et 3 fois pour les autres. Je le revois vendredi 29. Une autre nouveauté, c'est que mes lunettes pour voir de près ne sont plus du tout adaptées et qu'il me semble que peut être je pourrais m'en passer.

Il me semble que les deux yeux n'ont pas exactement la même vision du blanc, mais je suis contente que l'intervention soit derrière et que il faut certainement que les yeux apprennent à travailler ensemble. Je suis très contente pour le moment de ce qui a été réalisé.

Une petite réflexion: je réfléchis sur ce que l'on met derrière le mot guérison. D'une certaine manière, on peut dire que je suis guérie de la cataracte, mais c'est grâce à la pose de prothèse. Une guérison ce serait que l'opacité du cristallin parte d'elle même. Là c'est le fruit d'une "opération" d'un geste qui a modifié radicalement les choses, mais ce n'est pas "une guérison" au sens fort du terme. Enfin il me semble. Mais merci à la médecine et des progrès réalisés.

Une autre réflexion: maintenant que ma vision est bien meilleure, que je vois ce que je ne voyais pas avant, je dois constater que beaucoup de saleté s'est accumulée dans la maison. Il y a certes la pollution (il faudrait nettoyer les appuis de fenêtres tous les deux jours), l'usure de la maison, mais il y a eu aussi, parce que je ne percevais pas certaines choses un certain aller de ma part. Enfin c'est comme cela que je ressens les choses. Je n'aurais pas dû laisser autant de gras s'accumuler à la cuisine par exemple. Or comme j'aime bien passer du concret au spirituel, je me dis que si les yeux de l'âme s'ouvrent, on doit effectivement se sentir parce que le mal est en dehors de soi et en soi, pas "net" du tout. Ce qui du coup me permet de comprendre cette demande de purification, d'avoir une eau pure qui coule sur soi et qui enlève tout ce qui est accumulé, tout ce qui bouche les pores, tout ce qui empêche finalement de respirer. Il y a une phrase d'Ezéchiel qui résume cela: Ez 36,25: "Je répandrai sur vous une eau pure et vous serez purifiés,... 26: et je vous donnerai un coeur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau...


mardi 19 juin 2012

5 ans.

Normalement j'aurais dû écrire vers le 23 Mai, qui est la date de l'exérèse du nodule, mais le temps a passé et j'avais la tête un peu prise par l'intervention sur l'oeil droit (pose d'un cristallin).

Et avec cette intervention qui m'a donné comme un regard neuf sur mon environnement et qui m'a fait réfléchir au travail (même spirituel) qu'il faut faire chaque jour pour que les pores ne s'obstruent pas par la pollution et la saleté ambiante, m'a poussé  à regarder autrement mon petit monde mais aussi mon monde intérieur.

La prise en charge Sécurité Sociale pour les examens liés au cancer a été renouvelée pour 5 ans. J'aurais 77 ans... L'âge auquel on arrête de lire Tintin.

Je sais que pour les statistiques, je rentre dans le pourcentage des personnes guéries du cancer du sein. Oui si guérie veut dire qu'il n'y a plus de cellules cancéreuses (ce qui ne veut pas dire qu'il ne s'en refera pas). Oui si guérie veut dire vie normale, où cette maladie n'a plus sa place.

Mais même guérie cette maladie (mais faut il l'appeler comme cela) reste présente. Elle reste présente dans mon psychisme. Elle reste présente dans mon miroir (décoloration quasi totale du mamelon et point de marquage de la radiothérapie). Elle reste présente par quelques bouffées de chaleur. Elle demeure car même si je peux me coucher sur mon sein sans que cela soit vraiment douloureux, il n'est pas comme l'autre et il y a toute une zone qui reste sensible à la moindre pression. Les traces sont là, et elles ne s'effacent pas d'un simple coup de chiffon ou avec un anti dégraissant..

J'ai lu un mémoire de master consacré à l'Art Thérapie (danse) dans le traitement du cancer du sein; il était demandé de qualifier ce sein (opéré, remanié, considéré comme mutilé) présent ou absent par les personnes et je me suis rendue compte que pour moi, ce sein, même s'il est vivant par ce qu'il ressent, il est quand même mort et je me dis que ce n'est pas rien. Il a été comme stérilisé par la radiothérapie et de ce fait il est à moi sans être à moi.

Une femme stérilisée ne peut plus avoir d'enfant. Elle ne peut plus se reproduire. Et finalement au fond de moi cette stérilisation qui a modifié profondément la structure interne de mon sein, elle a fait une espèce d'arrêt. C'est certainement stupide, mais parfois la fantasmatique l'est, mais c'est comme si ce sein ne pourra plus jamais donner de lait (même si dans la réalité n'en n'a pas été capable). Il y a quelque chose qui est mort et qui n'est pas du fait de l'âge, mais c'est mort et il ne peut plus être revitalisé.

Le cancer oui j'en suis guérie, mais il a fait des choses en moi, des bonnes, des moins bonnes; Il m'a fragilisée (je pense que si les opérations  me stressent -pour employer un mot à la mode- autant, si j'ai autant de mal à supporter d'être dans une salle semi obscure d'échographie, ce n'est pas pour rien), mais certainement aussi humanisée car il m'a fait entrer (et aussi sortir) de ce monde de la maladie. Ceci a agrandi mon coeur, et finalement n'est ce pas cela le plus important? Pour moi l'humain est celui qui a un coeur qui n'en finit jamais de s'ouvrir sur un grand nombre de dimensions. Et plus les dimensions sont nombreuses et plus l'homme devient un Homme, un humain crée pour être en relation, pour transmettre et pour prendre soin de lui et des autres. Et que cela en prime lui permette de découvrir le Tout Autre, j'en suis convaincue.

Pour clore les 5 ans, il me reste tous les examens à faire en septembre, ainsi qu'une consultation avec l'oncologue qui me suit depuis le début de cette atteinte. .Normalement le relai sera pris par la gynécologue qui me reçoit ici, mais qui vivra verra.

Pour moi,vivre c'est vivre un jour après l'autre, avec certes des projets, mais en sachant qu'ils ne verront peut être pas le jour. Car c'est peut être cela ma leçon du cancer: chaque jour est un jour donné. A moi d'essayer de le remplir et de remercier parce que le souffle de la vie qui est en moi pour ce jour là, fait de moi une vivante.