Rechercher dans ce blog

jeudi 28 juin 2007

"laisser- faire"

Le cancer en tant que maladie est une maladie mortelle. Et de ce fait il est traité par le corps médical (j'emploie ce terme de manière intentionnelle, car c'est bien d'un combat corps à corps qu'il s'agit), comme un ennemi qu'il faut vaincre. Toutes les armes possibles sont utilisées contre lui.Des armes il y en a, mais elles sont parfois à double tranchant. Il ya un prix à payer...

Les progrès des thérapies permettent aujourd'hui aux femmes dans beaucoup de cas de garder leur sein donc de conserver une image d'elles ralativement intacte. Pourtant même si c'est un petit nodule, il faut accepter de vivre avec un sein troué, ou avec un trou dans le sein. J'ai eu la chance de garder "mes ganglions" sauf le ganglion sentinelle et j'ai beaucoup de chance, je le reconnais. J'ai aussi beaucoup de chance d'avoir bénéficié d'un diagnostic précoce, mais un cancer reste et restera un cancer, c'est à dire une maladie à potentiel léthal.

Quand j'ai retrouvé une certaine foi, j'ai toujours eu (parce que à l'hopital j'avais vu beaucoup de cicatrices qui signaient la guérison) la représentation des trous dans le corps de Jésus comme des trous non pas cicatrisés, mais pleins d'une sorte de rayonnement, d'une sorte de vie. Les trous sont à la fois guéris, mais non comblés. Le manque devient source de vie, il est aussi aspiration vers Dieu. Un Dieu "troué" un Dieu à la fois complet et incomplet est un Dieu qui me séduit encore aujourd'hui.Alors avoir un petit trou, ce n'est pas si grave. Et du trou quelque chose peut jaillir.

Mais le trou en moi, j'ai quand même du mal à me le représenter. J'imagine qu'il va se combler, mais je ne sais pas comment se répare ce tissu. Et il demeurera comme une marque.

Je me suis posé beaucoup de questions sur le protocole qui m'est non pas proposé mais imposé. Il me semble comprendre aujourd'hui, que le prix à payer pour garder un sein presque intact, c'est en ce qui me concerne la radiothérapie, puis l'hormonothérapie.

Le cancer est un ennemi qui envahit, qui détruit pour devenir "puissant". J'ai lu dans un très beau livre 'Missa Sine nomine" la phrase suivante: "nous avons oublié que les faibles devaient être protégés et nous les avons détruits". Or dans la nature, c'est ce qui se passe: les faibles sont éliminés, parce que ne pouvant assurer la survie de l'espèce. Dans l'espèce humaine, il y a cette possibilité de protéger les faibles, mais le cancer est lui à l'image de ce primitif qui détruit, et pour l'empêcher d'arriver à ses fins (l'envahissement), il faut se battre contre lui, de manière violente, même si on ne sait pas s'il est encore présent dans tel ou tel organe.

La difficulté que j'ai eu à rentrer "dans un protocole" imposé comme de l'extérieur, non réellement choisi a été un doute. Pourquoi un traitement aussi lourd pour un cancer qui a l'heure actuelle n'est plus "visible" en moi - ce qui ne veut pas dire qu'il est absent-, pourquoi le traitement anti hormonal ne serait il pas suffisant?

La réponse est très certainement que aujourd'hui, il faut puisque le sein n'a pas été enlevé et qu'il peut être porteur de cellules cancéreuses, invisibles, essayer de tuer toutes les cellules en devenir. La question est de savoir si elles existent ou pas et si l'hormonothérapie ne serait pas suffisante. Mais aujourd'hui, il faut en quelque sorte rendre le sein "stérile" c'est à dire non porteur de la maladie.Et cela c'est le travail des rayons

C'est bien un combat: tuer, éliminer pour que la mort ne se propage pas, du moins pas de cette manière là.

Aujourd'hui je peux accepter cette manière de voir les choses, même si j'espère que dans 10 ans, les protocoles auront changé et seront davantage adaptés à chaque femme. Le protocole qui m'est proposé a fait comme on dit ses preuves. Je le trouve lourd, contraignant, mais c'est le prix à payer pour la vie.

L'acceptation du moins en ce qui me concerne ne peut se faire que si je fais confiance au "corps" chargé de soigné le mien. Il me faut faire confiance à son savoir, à ses compétences. Il est certain que pour avoir été du côté des soignants, je souffre à d'un certain manque de mots: explications, explicitations. Il y a toujours en soi, un désir d'être une brebis "spéciale" différente et d'avoir droit à un traitement différent, mais là, il me faut accepter le traitement standard, parce qu'il a fait ses preuves.

Mais je crois aussi que sur le plan du travail "spirituel" qui se fait en moi, à cause ou grâce à cette maladie (que je n'arrive pas à considérer comme mortelle) quelque chose de très vivant peut advenir. L'abandon, la confiance me sont de fait très difficiles et là je peux apprendre à me laisser faire, à laisser faire, à faire confiance.

C'est une école un peu rude, mais pourquoi pas?

mercredi 20 juin 2007

Où est le moral?

La réponse à cette question est: dans les chaussettes.

Pourquoi est-t-il aussi bas?
Réponse: parce que le temps s'allonge.

Parce que les projets (et là j'ai envie d'écrire pro-jet, car il s'agit bien de cette activité qui consiste à se sentir exister en agissant un peu sur un certain futur,) deviennent presque impossibles à défaut de impensables.

Peut-on encore penser à autre chose? A une vie "normale"?

La consultation d'hier a démarré avec une attente de près de deux heures; nous étions tous là, à attendre dans la chaleur, donc tous avec un cancer. A chacun le secret du sien.

La consultation m'a permis d'avoir enfin une photo copie des résultats de l'analyse de la tumeur enlevée. Par rapport à la biopsie initiale, confirmation du type de cancer, de l'absence de métastases, mais des cellules plus cancéreuses: grad II et non I; La biopsie aurait elle changé quelque chose? Cela je l'ai déjà mal vécu. Ensuite, le cadrage, prévu dans 15 jours, qui sera suivi d'un scanner et si le premeir cadrage est bon, la radiothérapie pourrait commencer vers le 14 juillet.

Je commence enfin à employer le conditionnel, et cela aussi m'est difficile.

Comme le traitement sera encore plus long, s'il commence vers le 14, il ne se terminerait que début septembre.

Moi qui espérais tant que ce serait terminé vers le 15 Août, je dois remballer mes envies, mes projets. Et pour les vacances, nous sommes quand même deux. Pourquoi imposerai-je ce rythme à mon mari?

En fait ce que je supporte mal, voire très mal, c'est cette notion de protocole: vous avez tel cancer donc... On rentre dans un protocole, qui est-on quand on rentre ainsi dans ce cercle de soin?

Car maintenant la question est aussi: certes le cadrage est prévu pour le 5 juillet, mais ne faudra t il pas ensuite envisager autre chose, si ça ne marche pas.

Est ce raisonnable de penser à la mi juillet pour le début du traitement en tant que tel?

Bien entendu c'est pour moi je guérisse ou plus axactement que je ne récidive pas, mais ce cancer qui a laissé comme marque un trou et des cicatrices est omniprésent, omni envahissant. Il est bien cette cellule qui prend une place qu'elle n'a pas à prendre. Et je ne peux pas me sentir réduite à être une pathologie.

vendredi 15 juin 2007

15 juin: exercer la patience

La patience n'est pas mon fort.

L'attente de trois semaines a été pénible car l'entretien pendant l'hospitalisation avec l'oncologue qui semblait douter des résultats de la première biopsie a crée des interrogations. La visite plus que rapide (baclée) avec le chirurgien pour l'abalation des fils, n'a rien arrangé, car pas de dossier, juste un oeil rapide.

Malgré tout, le discours de l'oncologue laissait des doutes. Et si malgré tout il fallait faire une chimio? Et si... Et si...
Au fond de moi, en ce qui concerne la chimio, d'autant que je connais les produits et leurs effets la réponse était non, mais comment ces médecins qui sont là pour "erradiquer" une maladie auraient ils pu l'admettre? Suis je oui ou non sujet de mon traitement où juste un objet qu'on soigne et guérit, et qui rentre donc dans des statistiques?

Après une heure d'attente, il y a eu confirmation du premier diagnostic donné par la biopsie initiale", donc rayons et ensuite hormonthérapie. Mon dossier de chirurgie n'a pas suivi, donc pas de compte rendu, par de résultats d'nalyse. Je trouve cela pénible.

Puis un rendez vous en radiologie, rendez vous qui est une sorte de préalable et qui ne me permettra pas d'avoir une ou des dates; Donc encore une attente qui se profile.

Je sais saussi que mon dossier est dans une base de données. Je n'y ai pas accès. Parfois je hais ce "corps médical" qui a un savoir qu'il ne partage pas. Cela met dans une position infantile que je supporte mal, même s'il y a moyen de contourner les choses par le biais d'un médecin traitant qui se "débrouille" bien avec l'informatique, ce qui n'est pas le cas de mon médecin généraliste.

Je commence enfin à m'habituer un peu à cette maladie et à pouvoir la nommer à ceux que je rencontre. Comme si cela permettait de sortir d'une sorte de secret.

Et là, je sais que dans ma famille, il y a des choses quil ne faut pas dire, qu'il faut garder "dedans" pour éviter que les autres , "le dehors", ne vous jugent mal. Je me demande s'il n'y a pas dans cette injonction à masquer l'malgame: maladie-punition d'unq faute quelqconque, donc dire la maladie, c'est révéler un dysfonctionnement, un manquement, une faute, un péché. C'est aussi donner à l'autre un pouvoir sur moi (la faiblesse) et cela dans ma famille, il ne le faut pas.

Cette maladie là elle vient du dedans. On se la sécrète seul , elle est dans le corps et elle peut manger ou bouffer (comme on veut) tout le corps. Dans les psaume sil y a de jolies phrases sur le secret, de ce Dieu qui faconne dans le secret. Moi, je n'aime pas du tout ce qui se faconne là en moi, même si actuellement il n' y a plus rien. Parce que ça peut revenir. Et vivre avec cela n'est pas simple. Créer en soi non pas l'usure propre à l'âge, mais autre chose qui se révèle dévorateur.

Donc le prochain rendez vous, mardi, mais cela ne dira pas la date du début du traitement en tant que tel.

PATIENCE.

Autant que je sache, il y a une "sainte" Prudence, mais "sainte" Patienc en'existe pas...

lundi 4 juin 2007

Enfiler des perles

Catherine Lestang

Actuellement j'ai l'impression que ma vie s'organise d'un rendez vous à l'autre. Samedi, c'était le chirurgien. Je dois dire que je suis très mécontente de la cicatrice qu'il m'a infligée sous l'aiselle, là où il a retiré un ganglion "sain". Au fond de moi, je vis très mal ce que l'on appelle un "curetage"car je ne sais pas à quoi il sert. Et la cicarice aurait pu être plus fine, avec un surjet. Impression de ne pas être respectée dans ma féminité. Et puis je n'ai toujours pas le moindre compte rendu ni le moindre résultat.

Le prochain rendez vous c'est celui avec l'oncologue: le 15 juin. J'espère juste pouvoir partir profiter de la mer et du soleil (prendre des douches de soleil) avant de prendre des douches de rayons pendant les mois de vacances.

Entre temps il y a eu le phlébologue. Et là, alors que j'attendais qu'il se décide enfin à s'occuper de la jambe qui me fait mal avec les chaleurs, cela a été une fin de non recevoir:" avec le cancer, je ne prends pas de risques." Cette maladie là est tout le temps présente. Elle refuse de se laisser oublier et en cela elle est aussi assez dramatique, difficile à vivre.

J'ai aussi ou du moins j'aurais aussi un rendez vous chez un médecin généraliste, qui traite d'une manière plus globale le corps et lui permet de résister aux agressions et de l'anesthésie et des rayons. Et puis je vais voir "mon" étiopathe. Lui au moins même s'il se centre sur les points à problèmes,(mon cou, ma jambe, ma hanche) il reste dans une vision globale et cela est rassurant.

Ce corps en morceau, chaque spécialiste ayant son "bout" est un corps" objet" et de cette représentation nait pour moi une souffrance. Je ne sais si comme le dit Rimbaud, Je est un autre, mais ce que je sais c'est que je est Un.

Aujourd'hui, même si le nodule n'est plus là, la douleur résiduelle fait qu'il m'est impossible de me considérer comme un "porteur sain". Et de cette douleur personne n'a parlé. Elle doit être normale, mais qu'est ce qui est normal avec cette maladie qui ne l'est pas.

Qu'est ce que c'est que cette pathologie ou d'un coup une cellule ou du moins un ensemble de cellules décident de se prendre pour Dieu, d'être indestructibles, immortelles et pour cela de "coloniser" en le détruisant (mais cela elles ne le savent pas) des parties du corps nécessaires à leur croissance. Un peu comme si à l'interieur de moi, il y avait un jeu de Go.Comment défendre les territoires? C'est en fait une drôle de guerre avec une politique de la terre brûlée.

D'après ce que j'ai pu lire, les rayons c'est cela. Irradier donc brûler et détruire toutes les cellules, avec l'idée que seules les cellule snon cancéreuses se régénèreront.

Il est tout à fait possible comme le recommande Simonton de visualiser cela: une sorte de douche qui purifie au sens fort du terme. Ce qui permet de comprendre que la purification ce n'est pas juste prendre un bain qui vous rend propre; c'est passer par un creuset avec de la destruction pour que la vie puisse naïtre à nouveau.


Ce que je veux dire c'est que cela ne se fait pas sans douleur. Le métal que l'on chauffe pour le débarasser de ses scories, doit passer à l'état liquide, ce qui n'est pas sa forme "normale". Et tout changement nécessite de l'énergie et de la destruction.

Si on admet que Jésus "détruit" la mort liée dans notre inconscient au péché, seule la violence de la destruction pouvait permettre que la vie purifiée de cette scorie que l'on nomme péché ou cette persistance de la vie animale qui tend à détruire et à voler l'autre puisse enfin advenir.

Il est vrai que aujourd'hui, ce nodule avec sa forme bizarre, je le considère comme une énorme impureté presque une sorte de lèpre.

Et la question qui demeure reste celle du "comment" j'ai fait pour me fabriquer cela et pourquoi. Si le pour quoi ne pose pas trop de questions, le comment reste encore très aveugle. Qu'est ce qui a fait que les défense psychiques aient été comme balayées et n'ont pas protégé le corps. Et lui que dit-il dans cette histoire?

Souvent c'est bien après que ça s'éclaire. Alors enfiler les jours l'un après l'autre comme des perles sur un fil. Et en garder le poids et la rondeur au creux de la main. Cela c'est être vivant.